14 août 2011

Vie Intérieure

Des mois d'absence, un long silence. Je reviens du bout des lèvres.

Terminé le temps de la contemplation, des mots pesés et longtemps cherchés. La parenthèse s'est bel et bien fermée. De retour en ma vie antérieure, dans laquelle il faut bouger, ne pas s’arrêter, courir, ne pas se retourner. Sinon quoi? Sinon personne ne m'attendra. Et je ne veux plus être seule.

Alors je reprends comme avant. Ce qui me touche, je l'ingurgite, ce qui m’émeut, je l'intègre dans mon système. Les cieux continuent de changer, la ville de me nourrir, les objets de m'enchanter. Mais les mots ne viennent plus, ils s’arrêtent au bord de mes doigts. Désormais ce n'est plus que dans mes nuits que ressurgit la poésie absorbée tout le jour.

Des parenthèses, il s'en ouvrira bien d'autres. Des vies, je prie pour en avoir quelques-unes devant moi.
Ici je ne reviendrai plus.

21 mai 2011

L'endroit de tes rêves


En fin de journée, quand la lumière se tamise d'elle même, tu dis que c'est le meilleur moment. Tu prends ta canne à pêche et tu viens te poster là. Où il n'y a jamais aucun autre que toi.
Tu as toujours cherché la solitude et le vide. Ca te permet de rêver selon toi. Au debut tu venais les mains vide, puis tu t'es imaginé que tes mains se lasseraient plus vite que ton esprit. Alors tu as commencé à prendre la canne. Depuis c'est comme ça. Sans, ça ne marche pas. 

Tu pourrais y rester de longues heures mais tu attends simplement que le soleil disparaisse derrière les ombres immenses. Lorsque tu ne peux plus voir les montagnes, il est temps de revenir sur Terre. Alors tu remontes la ligne qui n'a pas d'appât et rejoins lentement la route. Tu jettes un dernier regard sur le lac et en silence, leur souhaite à lui comme à tes songes, une douce nuit.
Tu reviendras demain.

Photos: Manuel B.

25 avr. 2011

Ile aux voyages

Hier. Réveillée par une caresse sur le pied.
Sur la route, les paysages désertiques défilent. La voiture enchaîne les montagnes et les lacets, vers le sommet, puis vers le bas, et caetera. Je compte les moutons.
Derrière le centième virage c'est l'océan. Echoué paisiblement sur les plages rocailleuses. D'une beauté qui coupe le souffle. Le soleil y étale sa lumière et transforme l'eau marine en bleu tropique. Je ferme les yeux, les rouvre. J'ai voyagé des milliers de kilomètres en un battement de cils. Atlantique ou Méditerranée? Je ne sais plus. Quand la nuit vient, on peut voir toutes les étoiles.
Je ne veux pas dormir.

Ce matin. Reveillée d'une main dans les cheveux.
La lumière qui vient de la fenêtre est blanche et lourde. Mauvais signe. Le ciel est blafard, comme prévu.
Les déserts d'hier sont aujourd'hui des champs désolés. Hier on pouvait presque voir le soleil incendier les herbes, aujourd'hui, on s'apercoit que la mousse recouvre les murets. Et les herbes ne sont pas sèches, elles sont mortes. Les moutons se dandinent au milieu de la route au mépris des humains. Il pleut, et alors? Je compte les agneaux. L'océan est brusque, écorché.
Je ferme les yeux, les rouvre. J'ai les pieds ancrés dans la terre, et devant moi l'Ecosse s'offre en spectacle.
Je ne veux pas partir.

27 mars 2011

Le dessous des pierres

Il m'a toujours semblé que le mois de mars était une transition.
Entre le froid et le ciel bleu. Un temps mort.
On attend. Et en attendant, on se fait beau.
Les zones de travaux sont sorties de terre comme les champignons de saison. Des tranchées profondément creusées dans lesquelles veiller à ne pas tomber, des camions-tracteurs aux roues aussi hautes que les piétons, des tubes jaunes, bleus, rouges, toujours plastique, des barres de fer courant tout le long des façades, des grillages coupant les routes, des tours et des détours.
Le si beau visage de ma ville est couvert de boutons. Protubérances inélégantes.
Il faut être patient. Et conscient de la permanente perfection qu'on attend d'elle. Elle se prépare à passer les prochains mois sous le feu des projecteurs et les regards qui ne laissent rien passer. Elle se fait belle pour la nouvelle saison et l'arrivée des nouveaux touristes. Elle se régénére, ellle se renouvelle, elle se rafraîchit. Tant pis pour nous qui voyons tout de ses coulisses. C'est de bonne guerre.
Nous serons les premiers heureux de pouvoir la présenter sous son meilleur jour à nos visiteurs curieux.

26 févr. 2011

Aujourd'hui

365 jours, autant de cieux.
Tous ces matins lumineux et de rares chagrins.
Soleil, pluie, pluie, soleil, pluie. Nuit.
365 jours, autant de sensations.
Tant de souvenirs et tant d'impressions.
Quelques appréhensions, quelques soulagements.
365 jours, autant d'admiration.
Une colline. Une fenêtre. Une histoire d'amour.
Une bougie à notre vie.


22 févr. 2011

Instantanés

Dans le bitume, les empreintes de mains d'un enfant.
Les restes d'un voyage en famille.
La trace des souvenirs.
Tout les matins il marche sur son enfance.
Tous les soirs il fait un pas de côté et l'évite tendrement.
La nostalgie vient avec la nuit.

A l'entrée d'un vieux building, dans une ruelle étroite et sombre,
deux hommes en smoking fument une cigarette.
Noeuds papillon et raies sur le côté.
Quelques mots echangés, et des regards, surtout des regards.
Le passage d'un couple silencieux à quelques mètres brise leur intimité.
Parenthèse fermée.

L'appartement au dernier étage, avec la porte rouge.
Sous les pas le craquement du bois.
Au mur de vieilles images, partout des choses d'ici et là.
Autant d'objets que de vies vécues. 
Cabinet de curiosités d'une âme angoissée par l'absence.
On a rempli l'espace mais partout flotte l'odeur du vide.

Certaines idées nous habitent, beaucoup en réalité nous obsèdent.
Où commencer l'inventaire?


30 janv. 2011

Souvent j'y pense

Si tu vivais
tu viendrais jusqu'ici marcher avec moi sur les routes que j'ai cheminé sans toi.
Tu verrais avec mes yeux, tu aimerais avec mon coeur.
Tu trouverais à cette ville une grâce dont tu t'éprendrais sur l'instant.
Tu trouverais à cette vie une douceur que tu estimerais à ma hauteur.

Si tu étais là
tu lèverais les yeux au ciel et compterais avec moi tous ses replis, nommerais toutes ses couleurs.
Tu saurais les dessiner et m'en offrir les souvenirs.
Tu observerais la colline, la mouette, tout ce qui nous entoure, tu rêverais d'horizons et d'ascensions. 
Je te dirais peut-etre que c'est une simple histoire de fenêtre.
Et tu me croirais sans aucune question.

14 janv. 2011

Le grand incendie


Les lucioles se sont ébranlées et mises en marche.
Au son des cornemuses ouvrant la voie, elles ont lentement descendu la colline pour en rejoindre une autre, embrasant la grand-rue sur leur passage.
Parvenues au sommet, elles se sont immobilisées devant un bateau semblant s'être échoué par erreur sur ces hauteurs.
Sorties de la horde, quelques-unes ont jeté leurs bras de feu sur le bois sec de l'épave. Dans un craquement elle s'est dechirée, déchiquetée. A nue devant des milliers d'yeux se délectant de sa torture, fascinés par la lumière.
Puis ce fut l'heure d'enflammer le ciel. Alors les lucioles ont levé la tête et regardé la nuit prendre des couleurs d'arc-en-ciel. Pour chaque détonation les coeurs ont tremblé et résonné.
Finalement tout s'est éteint: le ciel, la colline, le bateau, les lucioles.
Et les ténèbres se sont faites recueillement.
Sur ces terres humides, l'année s'enterre dans un grand incendie.


Photos: Manuel B.