28 juin 2010

Pour quelques heures d'aventure...

Firth of Forth   

Prendre la mer, naviguer entre deux terres. S'étonner du bateau vieillissant. Prier si fort le ciel qu'il ne change pas de visage. Chercher les phoques. Se pencher par-dessus bord pour presque toucher l'eau. Retenir son geste face aux méduses, armée d'ampoules marines incandescentes.
Poser le pied sur une île grande comme un jardin anglais. Entrer dans un royaume qui n'appartient qu'aux mouettes. Ne plus s'entendre penser. Résonner des hurlements de ces oiseaux moqueurs, symphonie désacordée, cacophonie.
Redevenir des enfants et jouer entre les murs d'une abbaye moyenâgeuse, le dédale de sa pierre comme spectaculaire terrain de jeu. Grimper l'escalier le plus petit de la Terre. Découvrir l'horizon et s'en étourdir. Tourner sur soi pour ne rien rater du spectacle. Se cacher dans les caveaux, traverser les souterrains. Epier la mer à travers des carrés de roches, fenêtres d'un temps révolu. Prendre un chemin et revenir sur ses pas. Tenter d'explorer, ou simplement d'avancer. Reculer devant les oiseaux mères couvant leurs petits. Abandonner face aux mâles, preux défenseurs de leurs terres.
Attendre sans patience le vaisseau fantôme. Se prendre à craindre vaguement l'oubli. Surveiller discrétement les mouettes au sommet de leurs donjons végétaux.
Souffler en laissant la plage s'éloigner. Partager un léger sentiment d'échappée belle, mais presque simultanément désirer ardemment y revenir. Chercher les phoques et les méduses. Remercier le ciel de n'avoir rien tenté. Apercevoir l'autre rive et la ville. Prendre du recul et se souvenir de ce qu'on était venu chercher : l'image lointaine de l'univers qui nous voit vivre.

 Inchcolm Island
 Photos: Manuel B.

24 juin 2010

Les bonnes décisions

Tout près de chez moi, un immense parc étale ses pelouses sous les fenêtres des maisons qui le bordent. Des poumons verts semblables à celui-ci, il y en a aux quatre coins de la ville. Quelle apparence peuvent-ils bien avoir l'hiver, recouverts de givre et de neige, les arbres nus? Quoi qu'il en soit, dès le printemps et jusqu'à la fin de l'été j'imagine, ils sont de petits paradis rapidement envahis.

Aux premiers rayons de soleil, les êtres se précipitent à l'assaut de l'herbe moelleuse et s'y installent comme sur une plage, les serviettes bien étalées, le pique-nique à portée de la main, et les lunettes de soleil sur le nez.

Si on regardait la scène du haut d'un pont ou du ciel, ça ferait comme une multitude de points qu'il faudrait relier pour en faire un dessin.

Nous, pareils aux autres, profitons de cette respiration à la moindre occasion. Installés à l'endroit précis où l'ombre jamais ne nous atteindra avant que le soleil ne disparaisse, nous voici alanguis, profitant de la douceur du jour finissant. Et l'on se prend à penser que notre place vaut de l'or, qu'on ne l'échangerait pas pour tout celui du monde, et que bien nous en a pris de décider de venir vivre ici.
Oui elle est belle notre vie.

17 juin 2010

Présentation

Je suis tombée amoureuse de cette ville, comme j'aurais pu être frappée par la foudre, sans avoir eu le temps de comprendre. Et à l'instar de tout nouvel amour, parce qu'on ne peut pas le garder pour soi toujours, je redoute l'instant où il faudra la présenter.

Et si on ne l'aimait pas ? Si on ne l'aimait pas autant que moi ?

Moi je l'aime pour la quiétude autant que la vie qu'elle respire. J'aime le vert de ses tableaux et les reliefs de ses courbes et creux. J'adore les couleurs de ses cieux. Ses parfums, atrappés au passage, sont les créateurs de mes sourires instantanés. Je préfère mille fois me perdre que de passer à côté des mystères dont elle abonde. Enfin, je chéris sa lumière qui change au gré du jour, et offre une atmosphère à nul autre pareil...

Alors lorsqu'il s'agit de la faire découvrir, me voilà de nouveau rougissante et fébrile. Je tremble à l'idée qu'on ne voit rien de tout cela. Pire, qu'on ne comprenne pas pourquoi j'y tiens tant, après si peu de temps. Je ne devrais pourtant jamais douter d'elle ni de son don d'envoûtement. Elle a, jusqu'à présent, toujours fait excellente impression !

J'en suis au temps de la passion. Je sais que cela ne durera qu'un moment. Ensuite viendra celui de la tendresse et de l'amour profond.

9 juin 2010

Fuite

Hier, à l'heure où la nuit ne devrait plus tarder, le ciel est bel et bien tombé.
Dans sa chute il a tout emporté.
Ne restait plus rien que ce lourd manteau blanc recouvrant tout ce que porte la Terre.
Et la colline, de nouveau, a pris la fuite, échappant ainsi au ciel de plomb.
Disciplinée, elle est revenue ce matin. Peut-être sait-elle que je me languis d'elle ?   
Ma fenêtre est si vide lorsqu'elle n'est plus là, la vue si triste...

8 juin 2010

The Doors

C'est si facile de se perdre. Un regard en l'air, un détour au hasard, et c'est comme si on passait une frontière. Edimbourg regorge de mondes parallèles, petites îles désertes plantées au coeur d'un océan frémissant, qu'on aurait maîtrisé.

Maitrisées mais pas domptées, ces îles sont bien cachées et aucune carte ne les signale jamais. On ne peut pas les chercher. Heureusement, elles sont aimantées. Pour les trouver, il suffit de se laisser attirer. Ne pas s'effrayer. Surtout, ne pas vouloir savoir où tout ça va nous mener.

Au creux d'une de ces îles, si la chance nous a gâté, on trouve le labyrinthe. Une artère le traverse tout entier et de ses flancs s'échappent les rues qui se mêlent, s'emmêlent, se lacent et s'entrelacent, dessinant le dense réseau de ses veines nourricières.

Dans chacune d'entre elles, des portes, et des portes et des portes...couleur d'arc-en-ciel.
Quelques marches pour y accéder, c'est si tentant de les pousser. On s'imagine les maisons de poupées et les Robinson Crusoé qui respirent derrière ces écrans colorés.

On a envie de choisir sa couleur, comme on choisit son pion, et de décider 'c'est celle-ci ma maison'...
Sur mon île, en haut de l'escalier, ma porte est rouge, of course.

3 juin 2010

La fille d'à côté

Parce qu'elle n'a rien à faire, elle décide de tout refaire.
Parce qu'elle n'a rien à faire, elle réapprend à vivre. Aux terrasses des cafés elle regarde passer les gens et s'en fait des histoires. Elle se dit 'la vie passe, et moi je reste là'. C'est bien comme ça.
Parce qu'elle n'a rien à faire, elle réapprend à marcher et à se perdre. Plus d'objectifs, plus de cibles. Des envies, juste. Elle réapprend à rêver, à divaguer. Elle se laisse bercer.
Parce qu'elle n'a rien à faire, elle réapprend à écouter, sa tête, la musique urbaine, les sons du jour et le chant de la nuit. Elle s'en remplit la mémoire. 
Parce qu'elle n'a rien à faire, elle se laisse faire. Et parce qu'il faut du temps pour tout réapprendre, elle réapprend à prendre son temps. Elle a tout compris.
Parce que je n'ai rien à faire, il m'arrive d'y songer...  Un jour je serai elle, j'aurai un peu de sa légéreté, et toute sa liberté.

1 juin 2010

Demain l'orage

C'est un jour sans splendeur et le ciel pleure sa mélancolie
Qu'elle est lourde cette tristesse.